La lutte contre la corruption, l'argent sale et la fraude fiscale (au plus 3% des indiens paient réellement des impôts, ce qui correspond à un manque à gagner fiscal annuel de plusieurs milliards d'euros) et l'argent sale est certes louable. Néanmoins, des mesures trop rapides, une vision depuis les ministères de Delhi, peut-être un peu trop technocratique, voire la méconnaissance du fonctionnement des familles les plus pauvres ont plongé l'Inde dans une situation chaotique à la mi-novembre 2016.
Dès son arrivée au pouvoir, le Premier Ministre Narendra Modi avait constitué une commission adhoc, placée sous le contrôle de la Cour Suprême, pour lutter contre l'argent dissimulé (Special Investigation Team -SIT- on Black Money).
La lutte a été déployée par diverses actions sur les 2 dernières années, ce qui est sans doute un peu court pour un pays de 1,3 milliards d'habitants, composé majoritairement de population rurale.
C'est dans ce climat que la bombe a éclaté. Le 8 novembre 2016, le Premier Ministre Narendra Modi a annoncé vers 20h avec prise d'effet à minuit le même jour, la démonétisation de tous les billets de 500 et 1000 roupies (un peu moins de 7 et 14 €) soit 24 milliard de billets ! Le programme prévoit de nouveaux billets de 500 et 2000 roupies.
Les citoyens ont été autorisés à rapporter ces billets pour les déposer sur leur compte lorsqu'ils en avaient ouverts un (au moins 20% des indiens n'ont pas de compte bancaire) ou pour les échanger. L’échange des anciens billets n’est plus possible à compter du 24 novembre.Au-delà de cette date et jusqu'au 31 mars 2017, l'échange restera possible mais dans des conditions et sous des contraintes complexes (somme limitée, photocopie de la carte d'identité alors que un fort pourcentage de la population indienne n'en possède pas). Tout
habitué de l'Inde imagine sans peine comment dans cette situation d'urgence, les files d'attente sont devenues rapidement monstrueuses
dans les banques. Bien entendu, les responsables de l'opération ont sous
estimé le nombre de billets nécessaires et plusieurs banques ont du
fermer faute de liquidités pour satisfaire toutes les demandes.
Les distributeurs de billets ont été arrêtés pendant 2 jours. Lorsqu'ils
ont été remis en service, la plupart n'étaient pas techniquement prévus
pour délivrer les nouveaux billets dont le format a été modifié. L’économie s’est figée alors que des millions de personnes faisaient la
queue pour procéder à l’échange.
L'Inde est un pays riche, mais la majorité de la population reste pauvre. Le revenu annuel moyen par habitant est d’environ 1 600 dollars avec une importante classe moyenne estimée à 300 millions de personnes bénéficiant d'un revenu moyen annuel d’environ 7 000 dollars, tandis qu'un milliard de personnes gagnent seulement en moyenne 600 dollars par an. Il n'est donc pas surprenant que ces derniers n'utilisent que des espèces. Ce sont eux qui ont été touchés en profondeur par la réforme.
L’incertitude économique, conséquence de cette opération, a entraîné une fuite de capitaux étrangers, contribuant à une chute de la roupie, qui a atteint un plus bas record face au dollar.
Dégâts collatéraux :les touristes individuels de passage en Inde se sont trouvés devant la difficultés de se procurer des devises locales et le site de l'Ambassade de France les encourageait à payer par carte de crédit (peu pratique pour acheter un samosa dans la rue ou payer son rickshaw), sous forme de devises étrangères (un peu contraire au but recherché du gouvernement de lutter contre la fraude) ou de se faire envoyer de l'argent, par exemple, via Western Union (dont les caisses locales devaient être aussi vides que les caisses des banques).
Lors de mon dernier passage à Pondichéry, Alice m'avait déjà fait part des problèmes auxquels étaient confrontées les structures, comme Vudhavi Karangal, qui fonctionnent essentiellement avec de l'argent provenant de l'étranger. Le gouvernement ne fait pas de différence entre l'aide à un orphelinat et le commerce souterrain : il lui est de plus en plus en plus difficile de recevoir les dons de l'étranger sans payer des taxes excessives ou de payer en liquide les travaux réalisés dans les deux maisons. Ne serait-il pas plus utile au gouvernement de traquer les fausses associations, écrans de l'argent sale plutôt que de pénaliser toutes les initiatives humanitaires ?
Françoise Simonot-Lion, 27 décembre 2016
Dès son arrivée au pouvoir, le Premier Ministre Narendra Modi avait constitué une commission adhoc, placée sous le contrôle de la Cour Suprême, pour lutter contre l'argent dissimulé (Special Investigation Team -SIT- on Black Money).
La lutte a été déployée par diverses actions sur les 2 dernières années, ce qui est sans doute un peu court pour un pays de 1,3 milliards d'habitants, composé majoritairement de population rurale.
- En aout 2014, est lancée une vaste opération (le Pradhan Mantri Jan Dhan Yojaya -PMJDY-) offrant l'accès à la création de comptes bancaires avec un accès facilité à toutes opérations financières, d'assurances, de crédit, etc. Transactions, transferts, consultations, ... devaient être accessibles par tous moyens modernes de communication. Cette opération a effectivement vu un nombre considérable d'ouverture de comptes allant jusqu'à faire figurer cet engouement dans le livre Guiness des Records puisque le jour d'ouverture de l'opération, 15 millions de comptes en banque ont été ouverts, sous cette nouvelle réglementation. À l'heure actuelle, 254.5 millions de comptes ont été ouverts. Si cette opération semble largement suivie, elle n'a cependant pas toujours touché les familles parmi les plus pauvres du pays.
- S'ensuit en avril 2015, avec une fin programmée en septembre 2015, une opération pour ramener l'argent noir placé dans des pays étrangers et divers paradis fiscaux sous un régime provisoire de pénalités. Une première opération d'amnistie a été conduite sans grand succès. Environ 652 milliards de roupies (environ 9 milliards d'€) ont été déclarées, ne représentant sans doute qu'une faible partie de la totalité des transactions. Une autre opération d'amnistie est prévue.
- Les décisions suivantes portent sur la mise en place de taxes, en particulier sur les transactions en liquide.
C'est dans ce climat que la bombe a éclaté. Le 8 novembre 2016, le Premier Ministre Narendra Modi a annoncé vers 20h avec prise d'effet à minuit le même jour, la démonétisation de tous les billets de 500 et 1000 roupies (un peu moins de 7 et 14 €) soit 24 milliard de billets ! Le programme prévoit de nouveaux billets de 500 et 2000 roupies.
L'Inde est un pays riche, mais la majorité de la population reste pauvre. Le revenu annuel moyen par habitant est d’environ 1 600 dollars avec une importante classe moyenne estimée à 300 millions de personnes bénéficiant d'un revenu moyen annuel d’environ 7 000 dollars, tandis qu'un milliard de personnes gagnent seulement en moyenne 600 dollars par an. Il n'est donc pas surprenant que ces derniers n'utilisent que des espèces. Ce sont eux qui ont été touchés en profondeur par la réforme.
L’incertitude économique, conséquence de cette opération, a entraîné une fuite de capitaux étrangers, contribuant à une chute de la roupie, qui a atteint un plus bas record face au dollar.
Dégâts collatéraux :les touristes individuels de passage en Inde se sont trouvés devant la difficultés de se procurer des devises locales et le site de l'Ambassade de France les encourageait à payer par carte de crédit (peu pratique pour acheter un samosa dans la rue ou payer son rickshaw), sous forme de devises étrangères (un peu contraire au but recherché du gouvernement de lutter contre la fraude) ou de se faire envoyer de l'argent, par exemple, via Western Union (dont les caisses locales devaient être aussi vides que les caisses des banques).
Lors de mon dernier passage à Pondichéry, Alice m'avait déjà fait part des problèmes auxquels étaient confrontées les structures, comme Vudhavi Karangal, qui fonctionnent essentiellement avec de l'argent provenant de l'étranger. Le gouvernement ne fait pas de différence entre l'aide à un orphelinat et le commerce souterrain : il lui est de plus en plus en plus difficile de recevoir les dons de l'étranger sans payer des taxes excessives ou de payer en liquide les travaux réalisés dans les deux maisons. Ne serait-il pas plus utile au gouvernement de traquer les fausses associations, écrans de l'argent sale plutôt que de pénaliser toutes les initiatives humanitaires ?
Françoise Simonot-Lion, 27 décembre 2016
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