Centre d'accueil pour enfants orphelins

Dans la région de Pondichéry (district de Pondichéry et état du Tamil Nadu) un centre d'accueil pour enfants abandonnés a été créé en 1991 par une jeune indienne. Une première maison a été établie pour héberger des garçons dans les faubourgs de Pondichéry. En 2009, une deuxième maison a vu le jour pour accueillir des filles dans un village sis au milieu d’une campagne verdoyante. En 2018, un foyer pour enfants gitans, APRES HOME, est intégré au centre.
L’association française Les Orphelins de Pondichéry soutient ce centre depuis 2005.

samedi 30 août 2014

La maison des filles – Comment avancer dans un monde complexe





Ce jour là, Alice avait une de ses petites filles avec elle ; petite fille ? Après une enquête serrée, il s’avère que cette superbe fillette est la fille d’un ancien pensionnaire de la maison des garçons. Alice considère que tous les garçons et filles de Vudhavi Karangal sont ses enfants … Il s’agit donc bien de sa petite fille.
Nous nous rendons à la maison des filles et bien sûr emmenons avec nous la charmante gamine. Le trajet pour aller à Palayam est toujours un enchantement. Les rizières scintillent, les palmiers ondulent dans le vent moite, nous sinuons sur les petites routes entre rickshaws et chars à bœufs, la petite chantonne. Et c’est toujours la surprise d’arriver dans le superbe patio de cette belle demeure : bois  travaillé, beaux  piliers, plantes  vertes  à foison et accueil des filles tout en sourire. Les grandes viennent de rentrer de l’école toutes pimpantes dans leur uniforme bleu et blanc et maintenant, c’est leçon de chant.

 
Puis ce sera le temps de faire d’apprendre les leçons, de faire les devoirs, de remplir les cahiers.
Actuellement 3 filles sont en cycle pré-universitaire (spécialité commerce).  Une fille est inscrite, après le collège, pour  un an dans  une  formation  professionnelle, avec l’objectif de pouvoir travailler 
par la suite comme vendeuse dans un magasin. Les autres petites sont soit au collège soit dans l’école du village. Enfin, après ses deux ans de pré-université, Ponnarasi (voir plus bas) a intégré une école d’infirmière pour trois ans et demie. Son inscription, cette année, a été financée, en partie, grâce à la générosité du Zonta club de Nancy.
Nous traversons la maison en remarquant quelques nouveaux équipements  au passage  comme une machine à laver. Nous passons  dans  la  cour où  jouent  les  plus  petites  pensionnaires  et allons voir les progrès de l’atelier de couture pour la construction duquel l’antenne de Nancy s’est fortement mobilisée depuis 2013. La maçonnerie  et le toit  du  premier étage sont terminés, ainsi que l’escalier qui, monte pour l’instant sur le toit là où Alice prévoit d’installer une école de massage / maquillage. Portes et fenêtres sont déjà acquises pour les 2 étages. Nous flânons un peu dans le jardin avec Maran, des fillettes, Alice et le chien … Le jardin a du être rétréci pour faire de la place à l’atelier de couture. Mais, sous la pression des fillettes toujours coquettes, Alice préserve un petit coin  de verdure où  poussent des fleurs très  prisées  par  les filles pour  orner leur  chevelure. Dans  la cour,  les fillettes entourent une vieille dame abandonnée qu’Alice a recueillie récemment et qui fait maintenant  partie  de  la  vie  de  la  maison de Palayam.
Les fillettes jouent, se font belles, rêvent ; Maran et le chien fidèle veillent, Alice câline … 







Une tranche de vie dans la maison des filles

 















Dualité entre tradition et modernisme

Deux filles, Ponnarasi et Manju sont sorties de pré-université en mai 2014. Elles sont toutes deux issues de tribus et sans père. Alice avait prévu de leur faire suivre des études paramédicales. Leurs mères ont souhaité les reprendre avec elles pour les marier. Les deux filles se sont  trouvées alors  confrontées  à une situation cruciale : soit elles repartaient avec leur mère, arrêtaient leurs études et faisaient une croix sur toute vie autonome et libre, soit elles continuaient leurs études avec la menace de ne jamais être acceptées comme épouse par un homme de leur tribu, car trop diplômées. Se marier en dehors de la tribu est impensable car elles seraient reniées par la tribu. Alice défend l’autonomie pour filles et garçons, la responsabilité, la liberté pour tous mais Alice comprend le dilemme de ces jeunes filles. Manju est retournée dans sa tribu mais Alice garde un contact étroit avec elle car elle espère que les années passées à Palayam et les  principes  de  vie  qui y  règnent  resteront dans l’esprit  de  Manju  et, qu’un jour, ses enfants raisonneront différemment.
Ponnarasi (sur la photo avec Alice) a courageusement choisi de rester, quitte à ne pas se marier.
Les traditions de la société indienne ont la vie dure. Il n’y a pas longtemps, à Palayam, les intouchables (Dalits) n’avaient pas le droit de traverser le village de nuit et, de jour devaient marcher pieds et torse nus. Leur travail pour la construction des maisons ou les travaux des champs étant indispensable au village, il leur avait été fait des sentiers spéciaux, protégés par de hauts murs, le long des maisons des membres des hautes castes. Alice pourrait étendre la maison et, en particulier, construire un hospice pour les femmes abandonnées, projet qui lui tient à cœur. Les maisons inoccupées et qui menacent de tomber en ruine abondent dans le voisinage mais les propriétaires ne veulent pas vendre à quelqu’un qui héberge des petits intouchables, enfants des tribus ou des basses castes. C’est contraire à la constitution (1955, mais appliquée dans les faits uniquement en 1970) mais il faudra longtemps et la volonté de personnes comme Alice et Maran pour qu’un vrai changement se fasse dans les esprits.

Françoise Simonot-Lion – Agnès Volpi – août 2014  

La maison des garçons, un atelier opérationnel

13 août 2014, 15 heures. Nous atteignons enfin la gare des bus de Pondichéry après un mémorable voyage en bus de 7 heures qui nous a fait quitté Salem (Tamil Nadu) dans la matinée. Chaleur écrasante, klaxons omniprésents, poussières des routes indiennes. Nous faisons l’étonnement des autres voyageurs car la liaison Salem – Pondichéry n’est pas vraiment la voie touristique du Sud de l’Inde. Durant ce voyage, nous sortons épisodiquement de notre somnolence à chaque ville où le bus s’arrête. Les arrêts sont nombreux ; nous n’avons visiblement pas opté pour une liaison directe. À chaque fois, nous faisons le bonheur des petits vendeurs ambulants en achetant samosas épicés, bananes, cacahuètes, beignets divers, biscuits, etc. C’est donc couvertes de poussières, en nage mais rassasiées que nous touchons au but. 8 jours à Pondichéry. Le havre ! Et le bonheur de retrouver Alice, Maran et tous les enfants.
Notre première visite est pour la maison des garçons. Le réfectoire est baigné dans une atmosphère particulièrement studieuse. Des moniteurs et des garçons qui font des études supérieures aident les enfants. Dans un coin, un garçon nous montre un livre de mathématiques, matière qu’il étudie. Nous discutons un peu avec lui d’équations, dérivées et intégrales et nous sommes enchantées de voir qu’il montre une réelle passion pour cette discipline.  
De l’autre coté de la cour, se trouve un préau sous lequel sont aménagées des salles d’étude. Là encore, les petits de retour de l’école apprennent leurs leçons. Ils sont très fiers de nous montrer ce qu’ils apprennent : lecture, histoire de l’Inde, géographie,... Les exercices de calcul leur font plisser le front. Bien que les salles soient ouvertes sur l’extérieur, il règne, en  ce mois  d’août, une  chaleur torride qui ne semble pas  gêner  outre mesure  les  garçons.
Sous  l’œil  attentif  de leurs surveillants, tous les enfants font leurs devoirs … tous ? Disons, presque tous ! 
Bien entendu, les enfants sont excités et veulent tous exhiber leurs cahiers et leurs livres. Mais, nous nous éclipsons discrètement pour les laisser à leur travail et nous entrons dans l’atelier grandement financé par l’Association des Orphelins de Pondichéry. 
Que de changements depuis le mois de mars. De nouvelles machines sont arrivées : tours, fraiseuses, scies, postes de soudure, relieuse, etc. Ici, c’est le royaume des  grands qui,  après l’école apprennent à travailler le bois et le métal toujours avec cette idée de les rendre autonomes et de les armer pour entamer des formations professionnelles  ou  même  pour  effectuer eux-mêmes des réparations dans leur maison. Comme exemple de leur savoir-faire tout neuf, ils nous ont montré fièrement une étagère qu’ils ont construite pour ranger le matériel de l’atelier, des tables pour lesquelles ils ont monté des plateaux de bois sur un châssis métallique, des livres qu’ils ont reliés et qui, grâce à eux sont comme neufs. 
 
Maran est radieux, le chien somnole dans un coin et Alice regarde tout son petit monde avec sourire, bienveillance et, oui, une certaine fierté légitime.
C’est un beau projet qui vit pleinement.




les débuts d'un petit soudeur amateur
 table faite à l'atelier


un livre comme neuf

Françoise Simonot-Lion – Agnès Volpi – août 2014
 


samedi 15 mars 2014

Jour de fête à Vudhavi Karangal


Début mars 2014. C’est la première fois que je viens à Pondichéry en cette période de l’année. C’est comme un été français, petite parenthèse bienvenue dans notre grisaille d’hiver lorrain. Les jours sont chauds, les nuits douces et le ciel est d’un bleu éblouissant. D’ailleurs, nombre de retraités français ne s’y trompent pas et viennent en cette saison se réchauffer aux éclatantes couleurs de l’Inde.
Rendez-vous chez Alice et Maran pour une visite des deux maisons. Il est 16 heures. Nous arrivons dans la maison des garçons où règne une effervescence toute indienne. Les armoires qui marquent, dans le préau, la séparation entre les classes d’études sont poussées contre les murs libérant un grand espace où courent les petits tout excités, tournant en riant autour d’Alice. Des enfants déploient leurs talents artistiques sur les tableaux tout en tentant de cacher leurs œuvres.
Un petit groupe traque la moindre miette de déchet dans la cour. D’autres, armés d’un couteau, le regard farouche, s’attaquent à un monstrueux tas de pommes de terre. La cuisine fume telle l’antre de Vulcain. Décidément, il se passe quelque chose ici !
Nous faisons une rapide visite des locaux : dortoirs simples et très propres, et atelier où nous pouvons admirer les derniers équipements acquis, et surtout une rutilante machine à « pop-corn » (l’acquisition d’une  machine  à « barbe à papa » est programmée).
Nous terminons par les salles de musique où un jeune virtuose nous démontre ses talents sur une veena puis sur diverses percussions et, en route pour Palayam pour voir la maison des filles. Habillées de leurs habits de fête, celles-ci nous accueillent en chantant « Happy Birthday ». Le mystère s’éclaircit.  Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Alice. La grande fête aura lieu ce soir à la maison des garçons. Tous les enfants seront là ainsi que les amis et la famille d’Alice.
Lors de la visite, nous pouvons voir les avancées significatives de l’atelier de couture. Il restera d’ici la fin de l’année à poser les fenêtres et les portes, puis à installer électricité, plomberie, etc. Des machines à coudre ont déjà été acquises et les filles sont impatientes de faire leurs premiers points.
Et le grand soir arrive. Nous partons en voiture sur le lieu des réjouissances. Le moins que l’on puisse dire est que notre arrivée à la maison des garçons a été majestueuse car tel que pour le passage d’un char transportant une divinité, un tapis de pétards tonitruants nous accueillait à la porte de l’orphelinat. Alice descend de voiture, le grand portail métallique s’ouvre et elle est aussitôt assaillie par une foule de petits lutins, coiffés de chapeaux pointus et armés d’une rose rouge qu’ils tendent à la reine du jour. Sourires et larmes d’émotion!
La fête commence. Garçons et filles enchainent les numéros de chant, de musique, de danse et de gymnastique. La salle applaudit, des bombes de paillettes éclatent ici et là, des serpentins fusent. Le spectacle est dans la salle. Le gâteau arrive,  les petits  sont excités et se bousculent pour en avoir; Alice fait le partage, sachant  accompagner ces douceurs d’un petit mot tendre, d’un sourire, d’un baiser. Puis, c’est le repas pris tous ensemble dans la cour. Maran lance un dernier CD de musique pop, les garçons ne se font pas prier pour montrer leurs talents de danseurs.
… Il est minuit, la nuit est claire, les étoiles scintillent, les petits ont sommeil et la fête est finie.
Nous apprenons alors que tout a été préparé et offert par les garçons de l’orphelinat qui ont déjà un travail, certains d’entre eux, mariés, sont venus avec femmes et enfants. C’est un très beau symbole de remerciement pour celle qui a su les aider à se construire un avenir.




Françoise Simonot-Lion et Monique Duparc-Lion - mars 2014