Centre d'accueil pour enfants orphelins

Dans la région de Pondichéry (district de Pondichéry et état du Tamil Nadu) un centre d'accueil pour enfants abandonnés a été créé en 1991 par une jeune indienne. Une première maison a été établie pour héberger des garçons dans les faubourgs de Pondichéry. En 2009, une deuxième maison a vu le jour pour accueillir des filles dans un village sis au milieu d’une campagne verdoyante. En 2018, un foyer pour enfants gitans, APRES HOME, est intégré au centre.
L’association française Les Orphelins de Pondichéry soutient ce centre depuis 2005.

mardi 19 avril 2022

Anniversaire de naissance d'Ambedkar, l'architecte de la constitution indienne

 Le 14 avril 1891 naissait Bhim Rao Ambedkar dans le Madya Pradesh, un état du centre de l'Inde. Moins connu  que Nehru ou Gandhi, il fut pourtant un des plus importants artisan de l'indépendance de l'Inde.

Dr. Ambedkar (Tweet India in Indonesia - 2020)
 

Depuis 2015, le jour anniversaire de sa naissance est devenu un jour férié en Inde. Dans la plupart des villes, des commémorations réunissant des personnalités politiques sont organisées. À Pondichéry, elles ont eu lieu au coeur de la "ville blanche" dans le Bharathi Park où se trouve une rutilante statue d'Ambedkar.


Ambedkar est né dans une communauté (jati) d'intouchables, les Mahars. Les membres de sa famille étaient chargés de nettoyer les prés et voies de la commune et, en particulier, de les débarrasser des cadavres d'animaux, activité jugée impure dans la religion hindoue. En raison de leur statut d'intouchables, les écoles, services publics et temples leur étaient fermés.

Les Mahars, très nombreux dans le centre de l'Inde, étaient réputés pour leur force physique et nombre d'entre eux ont pu s'engager dans les troupes de l'armée anglaise des Indes. C'est cette voie qu'a choisie le père d'Ambedkar et ainsi, le jeune garçon a pu mener une scolarité normale à l'école de la caserne dont l'accès était ouvert à  tous les enfants de militaires indiens indépendamment de leur origine sociale. Remarqué très tôt par son intelligence, Ambedkar a pu poursuivre des études de droit qui l'ont conduit en 1923 à obtenir  un doctorat d'économie à la London School of Economics après avoir suivi une maitrise à la Colombia University de New York.

Ses études, ses expériences acquises à l'étranger ainsi que ses origines dans une communauté discriminée ont aiguisé ses aptitudes d'analyse de la société indienne. Aussi, à son retour en Inde, ses engagements l'ont amené à lutter pour unir toutes les communautés (jatis) d'intouchables. Alors que Gandhi nomme les intouchables Haridjans ("enfants de Dieu"), Ambedkar préfère le terme de Dalits ("opprimés").

Il milite pour une prise de conscience des intouchables, qu'il invite à s'éduquer, à s'organiser et à se mobiliser ; il martèlera d'ailleurs souvent ce slogan. 

Image extraite de CarreerIndia
 

Ambedkar prônera entre autres la création d'un électorat séparé pour les Dalits les incitant à s'organiser et à se prendre en charge politiquement et socialement. Ce combat n'aboutit pas et c'est le principe de discrimination positive, reposant sur un principe de quotas de place dans l'éducation et la fonction publique, qui fut adopté.

À l'indépendance en 1947, Ambedkar entre au gouvernement de Nehru. Il est élu à l'Assemblée constituante et nommé à la tête du comité chargé de rédiger la Constitution indienne. Il marque celle-ci de ses idées puisque les mots clés justice, liberté, fraternité, égalité figurent sur la page de garde.

Page de garde de la constitution de l'Inde dessinée par Beohar Rammanchar Sinha


 De plus, son influence sur les articles 15 et 17 est évidente :

Article 15

The  State  shall  not  discriminate  against  any citizen on grounds only of religion, race, caste, sex, place of birth or any of them.
L'État ne discriminera aucun citoyen uniquement pour des motifs  de religion, de race, de caste, de sexe, de lieu de naissance ou de l'un d'entre eux.
 

Article 17

“Untouchability” is abolished and its practice in any form is forbidden...
« L'intouchabilité » est abolie et sa pratique sous quelque forme que ce soit est interdite...


 Le rêve d'Ambedkar d'un électorat séparé pour les Dalits n'a pas pu se réaliser. Il fait inscrire dans la constitution l'idée d'une politique de discrimination positive pour les opprimés : les scheduled castes (ou castes répertoriées ainsi qu'on désigne désormais les communautés Dalits) et les scheduled tribes (tribus répertoriées qui sont en fait les populations aborigènes de l'Inde). Ceux-ci devront bénéficier de sièges dans les assemblées élues et de postes dans le secteur public et dans les universités : le nombre de ces places réservées sera proportionnel au poids démographique de chaque communauté. À ces deux groupes s'ajoutera un peu plus tard les Other Backward Classes (autres classes défavorisées, souvent des paysans ou des ouvriers dont les communautés sont elles-même intégrées dans le système de castes).

Ambedkar souhaitait une réforme profonde de l'hindouisme, la considérant comme une religion liée à la notion de caste. C'était pour lui le seul moyen d'émanciper les Dalits. L'idée même d'un tel objectif était irréalisable. Il annonce alors qu'il ne mourra pas hindou et cherche une religion correspondant à ses idéaux d'égalité et de justice. C'est alors qu'il se tourne vers le bouddhisme auquel il se convertit officiellement en octobre 1956. Ambedkar mourra environ un mois plus tard. Durant ces deux mois, plusieurs centaines d'indiens d'origine Dalit le suivront sur la voie du Bouddha et se convertiront également.

La pensée d'Ambedkar et son action politique reste un phare pour toutes les communautés opprimées de l'Inde. Son anniversaire est largement honoré dans tout le pays et, à l'orphelinat, qui abrite des enfants de classes défavorisées, souvent complètement abandonnés par leur famille, la figure et des citations d'Ambedkar figurent en bonne place sur les murs.

Et le 14 avril 2022, celui qui s'est battu pour l'égalité entre tous les indiens a été dignement célébré.

  • Dans la maison des garçons, discours et moments de recueillement se succèdent :




  • Il en est de même dans la maison des filles :





Françoise Simonot-Lion

Pour avoir un aperçu sur la vie d'Ambedkar, vous pouvez lire l'article de Jules Naudet "Ambedkar ou la critique de la société de Castes", dans le dossier, « La caste dans l’Inde contemporaine », La Vie des idées - Collège de France, 5 novembre 2010.

Les premiers écrits d'Ambedkar sur les castes se retrouvent en particulier dans le volume 1 des Writings & Speeches of Dr. Babasaheb Ambedkar, sur le site du Ministère des Affaires Étrangères du Gouvernement indien (en anglais). On y trouve notamment Castes in India et Annihilation of caste


 

samedi 9 avril 2022

Une école lorraine aux couleurs indiennes

Le 5 avril 2022, l'école primaire "Les Claudinettes" de Bicqueley, village proche de Toul, a vécu aux couleurs de l'Inde. Nous y avons été accueillies par une équipe pédagogique motivée par l'aventure. Les enfants avaient été répartis en trois classes et nous sommes intervenues dans chacune d'entre elles avec des médias adaptés à l'âge des enfants.

Pour les grands (cours moyens première et deuxième année), nous avions préparé un diaporama d'une dizaine de minutes sur l'Inde, le Tamil Nadu, Pondichéry et les enfants de l'orphelinat. La projection a été suivie d'une séance de questions/réponses.

Les enfants des cours élémentaires première et deuxième année, étaient tous réunis dans une autre salle. Nous avions, au mois de décembre préparé un petit kit pédagogique pour les sensibiliser au pays et les amener à se poser des questions : diaporama, dessins animés, vidéo de danse Bharata Natyam, vidéo montrant une technique de percussion vocale propre à l'Inde du sud, appelée Konnakol (à voir ici).

L'institutrice de cette classe avait réalisé un très bon travail de préparation des enfants si bien que dès notre entrée dans la classe, les questions ont fusé.

Première interrogation : les habitants de l'Inde sont-ils des indiens ou des hindous ? Quel rapport avec les indiens d'Amérique ? Nous commençons donc par situer les pays sur une mappemonde, faisons un petit retour sur Christophe Colomb et terminons par la différence entre nationalité et religion. Puis, nous répondons à une impressionnante liste de questions sérieusement préparées et soigneusement notées sur des feuilles : pourquoi les enfants marchent pieds nus ? est-ce parce qu'ils sont pauvres ?  est-ce que les chanteurs de Konnakol récitent un poème ou chantent une chanson ? pourquoi les indiens n'utilisent pas de fourchettes et de cuillères ? est-ce parce qu'ils n'ont pas d'argent ? est-ce que les enfants vont à l'école? pourquoi la maman dans le dessin animé a un point rouge sur le front? est-ce qu'il y a toujours des castes en Inde ? etc. Des enfants intéressés, intéressants et enthousiastes ... et du bonheur pour nous de faire partager notre passion de ce pays et de ses habitants.

Et au début de l'après-midi, nous avions été dans la classe des petits où les enfants de classe préparatoire avaient rejoint les petits de l'école maternelle. Pour eux aussi, nous avions préparé un petit kit : dessins animés (vous pouvez, par exemple, en voir un ici), diaporama très court et coloriages relatifs à l'Inde. 



 

Des images, encore des images, ... les photos ont circulé dans le public : éléphants, singe, rickshaw, thali (repas typique de l'Inde du Sud), enfants de l'orphelinat, etc.


Ambiance survoltée que les maitresses arrivaient à contenir avec une énergie et une efficacité remarquable.




La veille, nous avions préparé des gâteaux indiens.

Et dans chaque classe, la séance s'est terminée par une dégustation des gâteaux et de jus de fruits exotiques (mangues, goyaves, ananas, bananes).







 

Terminé ! C'était bon !!!!

La petite école "Les Claudinettes" s'est engagée dans un jumelage avec l'école primaire de l'orphelinat, dont nous soutenons la reconstruction des bâtiments. Actuellement, les petits écoliers français préparent un livre de comptines pour les enfants indiens.

"Bonjour" dans le langage des signes sur le drapeau français et "Namaste/Vannakkam" sur le drapeau indien

Les petits de classe préparatoire ont déjà réalisé un grand poster sur l'Inde qui contient toutes les images qu'ils ont du pays.


 

Et enfin, tous les enfants adressent aux lecteurs de ce blog et à tous les enfants de l'orphelinat un vibrant et souriant Vannakam.


Agnès Volpi et Françoise Simonot-Lion