Vazir avait dit de venir après 10 heures. En bonnes françaises, à 10 heures précises, nous sommes sur place. Dans l’atelier, pas de Vazir. Mais une voix se fait entendre dans la pénombre ; il s’agit d’un de ses employés qui propose d’aller prévenir son patron. Nous acceptons. Il se lève, cherche sa canne à tâtons et nous nous rendons alors compte avec stupeur que cet homme qui façonne les objets est aveugle. Malgré notre proposition d’attendre tranquillement dans l’atelier, il part chercher Vazir jouant des mains, de sa canne et de ses oreilles pour se guider dans la petite rue. Le temps s’écoule un peu ; la température continue à monter ; un petit rat se promène sur le mur de l’atelier ; nous sommes en Inde où nous avons eu le temps d’apprendre la patience. Ils arrivent : Vazir boitant, appuyé solidement sur l’épaule de son ouvrier qui ouvre la marche de son pas prudent d’aveugle. Le travail peut commencer. C’est d’abord un petit thé bien sucré et un coup de téléphone à une employée de Vazir qui doit venir emballer les objets.
En attendant, Vazir nous raconte sa vie.
Vazir a été touché par la lèpre à 14 ans alors qu’il était écolier.
Guéri, il a appris la technique du papier mâché et a travaillé dans un atelier de réhabilitation des lépreux à Pondichéry. À 65 ans, la retraite est venue. Sans ressource, sans famille, Vazir a alors monté son propre atelier d’objets en papier mâché. En janvier 2012, le cyclone Thane a dévasté son lieu de travail. Avec l’aide d’amis français et de la directrice de Vudhavi Karangal, il a reconstruit l’atelier. Par ce travail, Vazir fait vivre quatre personnes : l’homme que nous avons déjà rencontré, aveugle, ancien lépreux qui façonne les objets et trois femmes qui les peignent et les polissent.
À l’atelier de Vazir, on fabrique des magnets, mais aussi des petites statuettes. Chaque objet est unique : moulé, peint à la main, emballé soigneusement. Les couleurs sont franches, les traits des personnages ou des animaux sont délicats, le résultat est magnifique.
Vazir a 74 ans.