Les informations générales sur l'Inde figurant dans cet article sont issues de : Children in India 2018 - A statistical Appraisal (Ministry of Statistics and Program Implementation - Governement of India), du site de la Banque Mondiale, du Juvenile Justice (Care and Protection of Children) Act, 2015, du Juvenile Justice (Care and Protection of Children) Model Rules, 2016.
En 2017, l'Inde comptait 1,339 milliard d'habitants ce qui en faisait le 2ème pays en terme de population après la Chine, qu'elle devrait d'ailleurs dépasser en 2025.
L'Inde est un pays jeune. Lors du recensement de 2011, 28% de la population indienne avait moins de 14 ans (plus de 30% avaient moins de 4 ans). Si les programmes de maîtrise de la natalité, un meilleur accès aux soins et de meilleurs pratiques de vie ont eu un effet sur l'évolution démographiques de ces 2 dernières décades, deux déséquilibres apparaissent dans les statistiques.
Dans un pays où le PIB a montré une croissance remarquable plaçant, en 2017, l'Inde au rang de la sixième puissance mondiale dépassant la France pour la première fois, de grandes inégalités de richesse subsistent.
D'après la Banque Mondiale, en 2015, l'Inde faisait partie des 5 pays comptant le plus grand nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté (évaluée alors à plus de 4% de la population). Plus de 25% étaient en 2011 en-dessous du seuil de pauvreté (moins de 1,9 dollars par jour).
En même temps, en 2015, l'Inde se classe au 3ème rang mondial quant au nombre de milliardaires sur son territoire ; la part de la richesse nationale entre les mains de ces quelques 150 milliardaires était de 23% du PNB en 2015.
Paradoxe de l'Inde qui faisait dire à un chroniqueur du journal Le Monde "L'Inde, un pays riche mais une société pauvre" (hors-série n°38 - Inde, le Réveil - 2013).
Et cette pauvreté se déploie à la campagne ou dans les grandes villes où de nombreux villageois, attirés par les sirènes du boom économique vanté par le gouvernement et les médias, côtoient des citadins essayant de survivre dans la jungle de la ville.
Et les enfants, dans ce contexte ? Quelques faits :
En Inde, survivre dans la précarité et la violence est donc le chemin que doivent encore parcourir de nombreux enfants à notre époque.
Parallèlement, les crimes commis par des enfants (< 18 ans) sont en augmentation en Inde et atteignaient en 2016, près de 36 000 cas enregistrés, soit un accroissement de 7 % par rapport à 2015. Les raisons en sont certainement les mêmes que dans tous les pays, mais elles sont exacerbées par un contexte économique, social et familial qui est particulièrement critique parmi les plus pauvres.
En 2015, le gouvernement publie la loi Juvenile Justice (Care and Protection of Children) Act, 2015 qui aborde trois points fondamentaux concernant les enfants :
En 2017, l'Inde comptait 1,339 milliard d'habitants ce qui en faisait le 2ème pays en terme de population après la Chine, qu'elle devrait d'ailleurs dépasser en 2025.
L'Inde est un pays jeune. Lors du recensement de 2011, 28% de la population indienne avait moins de 14 ans (plus de 30% avaient moins de 4 ans). Si les programmes de maîtrise de la natalité, un meilleur accès aux soins et de meilleurs pratiques de vie ont eu un effet sur l'évolution démographiques de ces 2 dernières décades, deux déséquilibres apparaissent dans les statistiques.
- 48 % de filles contre 52 % de garçons dans la tranche d'âge 0-14 ans. Ce déplorable sex-ratio (nombre de filles pour 1000 garçons) peut atteindre des taux extrêmes dans des états du Nord comme l'Haryana, le Penjab, le Territoire de Delhi, etc. en ce qui concerne les enfants de moins de 6 ans, montrant une résistance à la maîtrise de la natalité dans ces états traditionalistes. On peut citer néanmoins le Kerala et le Territoire de Goa qui ont inversé la tendance (plus de filles que de garçons) ; le Territoire de Pondichéry fait également figure de bon élève avec un ratio qui serait de 1034 en 2018.
- Le pourcentage de jeunes en milieu rural est plus important que dans les villes. Ceci est, en partie, justifié par le besoin de bras pour travailler la terre ; cependant, la tendance est maintenant à la mécanisation et, depuis dix ans, les tracteurs gagnent du terrain sur les chars à boeufs même dans les terrains de moyenne surface du Tamil Nadu. À ceci s'ajoutent les changements climatiques qui bouleversent les écosystèmes locaux. Par exemple, le Tamil Nadu fait face depuis plusieurs années à des moussons faibles et irrégulières qui lorsqu'elles tombent le font sur une courte période et avec une violence destructrice qui ne permet pas de régénérer les terres. Récoltes incertaines, revenus en baisse, la pauvreté gagne les zones rurales et les premiers touchés sont bien sûr les enfants.
Dans un pays où le PIB a montré une croissance remarquable plaçant, en 2017, l'Inde au rang de la sixième puissance mondiale dépassant la France pour la première fois, de grandes inégalités de richesse subsistent.
D'après la Banque Mondiale, en 2015, l'Inde faisait partie des 5 pays comptant le plus grand nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté (évaluée alors à plus de 4% de la population). Plus de 25% étaient en 2011 en-dessous du seuil de pauvreté (moins de 1,9 dollars par jour).
En même temps, en 2015, l'Inde se classe au 3ème rang mondial quant au nombre de milliardaires sur son territoire ; la part de la richesse nationale entre les mains de ces quelques 150 milliardaires était de 23% du PNB en 2015.
Le milliardaire indien Mukesh Ambani a dépensé 100 millions de dollars pour le mariage de sa fille en décembre 2018, louant notamment à cet effet le palais d'Udaipur (Rajasthan) |
Et cette pauvreté se déploie à la campagne ou dans les grandes villes où de nombreux villageois, attirés par les sirènes du boom économique vanté par le gouvernement et les médias, côtoient des citadins essayant de survivre dans la jungle de la ville.
Bidonville aux abords d'une ville dans l'état du Penjab |
- Le taux de mortalité infantile (en-dessous de 12 mois) a baissé significativement mais, en 2016, il reste encore proche de 33 pour mille garçons vivants et de 36 pour mille filles vivantes. Là, encore, il y a une grande disparité entre les états (Tamil Nadu et Territoire de Pondichéry étant nettement en-dessous de ce taux, tandis que des états du Nord de l'Inde le sont au-dessus) et entre ville et campagne.
- À la même date, la mortalité touchant les enfants de moins de 5 ans était de 38 pour mille enfants vivants (43 pour mille en zone rurale). De plus, 36% des enfants de moins de 5 ans souffrent d'insuffisance pondérale et certains même d'anémie.
- La sécurité des enfants devient préoccupante ; le taux d'agressions contre des enfants (< 18 ans) a tendance à s'accroitre pour atteindre 24/100 000 en 2016 ; maltraitances allant jusqu'au meurtre, abandons, ... ; au premier rang, on trouve les enlèvements d'enfants (dont les mariages forcés) et les infractions sexuelles (34 % des crimes).
- Le travail des enfants est toujours pratiqué. Le dernier recensement (2011) a montré qu'il y avait encore plus de 10 millions d'enfants entre 5 et 14 ans qui travaillaient (presque 4 % des enfants) ; grâce à deux lois - Child Labour Amendment (Prohibition and Regulation) Act, 2016 et The Right to Education Act, 2009 - ce nombre tend à décroitre. Il diminue plus dans les campagnes alors qu'il augmente en ville où, en 2011, 500 000 enfants étaient employés comme domestique. Employer un enfant qui n'a pas atteint l'âge où l'école ne devient plus obligatoire (15 ans) est strictement interdit. Par ailleurs, il est interdit de confier à un enfant entre 15 et 18 ans un travail jugé dangereux.
Jeune vendeur de fleurs à la gare des bus de Salem (Tamil Nadu) |
Petit cuisinier dans le Rajasthan |
Parallèlement, les crimes commis par des enfants (< 18 ans) sont en augmentation en Inde et atteignaient en 2016, près de 36 000 cas enregistrés, soit un accroissement de 7 % par rapport à 2015. Les raisons en sont certainement les mêmes que dans tous les pays, mais elles sont exacerbées par un contexte économique, social et familial qui est particulièrement critique parmi les plus pauvres.
En 2015, le gouvernement publie la loi Juvenile Justice (Care and Protection of Children) Act, 2015 qui aborde trois points fondamentaux concernant les enfants :
- Les enfants en conflit avec la loi (l'Observation Home, géré par Alice, pour filles de moins de 18 ans en conflit avec la loi relève de ce point ; nous ne l'aborderons pas ici) ;
- L'adoption d'enfants indiens ;
- Les enfants nécessitant soins et protection.
- les hébergements partiels pour, par exemple, permettre à des enfants dont l'accès à des écoles est difficile, de suivre une scolarité normale comme c'est le cas pour les enfants de gitans hébergés à APRES à Periyakattupalayam administré depuis 2 ans par l'orphelinat ;
Une classe pour les enfants de gitans hébergés à APRES |
- les familles d'accueil ;
- les maisons d'enfants qui hébergent toute l'année des enfants orphelins, abandonnés par leur famille ou dont les parents ne peuvent assurer une protection (absence de sécurité au sein de la famille ou impossibilité pour les parents d'élever l'enfant) ; c'est le cas, à l'orphelinat, de la maison des garçons à Nonankuppam et de celle des filles à Palayam.
La cour intérieure de la maison des filles à Palayam |
Un dortoir dans la maison des garçons à Nonankuppam |
Le toboggan dans la cour de APRES |
D'après cette loi , dans chaque district doivent être créés un ou plusieurs comités (Child Welfare Committee) qui a pouvoir de décision sur le placement des enfants et les audits des structures d'hébergement. Un tel comité a été créé pour Pondichéry. Ce comité est très puissant.
Les principes érigés dans la loi s'accompagnent de règles d'applications dans le document voté en 2016 le Juvenile Justice (Care and Protection of Children) Model Rules, 2016. Ce document est très précis et y figurent notamment des exigences quantifiées qui vont être, si elles doivent être appliquées, extrêmement coûteuses pour les structures hébergeant les enfants. C'est ainsi qu'on peut y lire, par exemple, les obligations suivantes :
- un matelas neuf doit être fourni à chaque enfant lorsqu'il arrive dans la maison, ce matelas soit être renouvelé tout les ans (soit, pour notre partenaire au moins 300 matelas à acheter chaque année) ;
- il doit y avoir une salle de bains fermée pour 5 enfants (soit, 60 salles de bains pour les quelques 300 enfants de l'orphelinat) ;
- un jus de fruits frais doit être servi chaque jour à chaque enfant mais les fruits et les légumes restent relativement chers en Inde et, pour l'instant, ils ne sont pas encore cultivés à grande échelle à l'orphelinat (papayers, bananiers sont déjà plantés sur le terrain de APRES et il y pousse déjà divers légumes) ;
- en rentrant de l'école (17h pour la plupart), il est suggéré que les enfants jouent à l'extérieur pendant 2 heures, puis regarde la télévision durant une heure ... ensuite, ils peuvent faire leurs devoirs, diner, se laver, ... ; ceci donnerait, pour un enfant de l'orphelinat un coucher vers 22h au mieux !
- ...
Toujours parmi les règles d'application, il est également "suggéré" des normes en termes de surface minimum pour toutes les pièces d'une maison d'enfants et parmi ces normes, celle concernant la surface des dortoirs est critique pour l'orphelinat puisqu'il est conseillé fortement d'attribuer 92 m2 à un dortoir de 25 enfants de moins de 18 ans ; ceci porterait la surface nécessaire dans la maison des garçons à environ 450 m2 alors que la surface disponible actuellement est de 267 m2 seulement tandis que pour les filles c'est un déficit de 100 m2 qui est montré pour les 71 filles mineures hébergées. Si ces suggestions sont imposées Alice devra chercher des solutions pour les 40 garçons et 21 filles qui seront en surnombre.
La situation est différente en ce qui concerne APRES puisque le problème ne vient pas de la surface mais de la sécurité du dortoir de garçons et de salles de classe qui sont actuellement dans un bâtiment dont le toit peut présenter des dangers en cas de vents violents, typhons, cyclones, ... Mais, un nouveau bâtiment devrait être construit rapidement pour pallier ce problème.
Bâtiments de APRES utilisés actuellement comme dortoir pour les garçons et salle de classe |
Dans ce petit territoire, ancien comptoir français, 90 % des maisons hébergeant des enfants sont non gouvernementales et à la très grande majorité, gérées par des chrétiens alors que le gouvernement actuel de l'Inde milite pour une Inde hindoue et met toujours en avant les vertus de l'hindouisme (80% des habitants de l'Inde sont hindous). L'orphelinat est un établissement privé et non confessionnel. Mais Alice est chrétienne. Les autres établissements d'obédience chrétienne, d'une part, accueille beaucoup moins d'enfants que ce centre et, d'autre part, sont sous la responsabilité d'une communauté religieuse et non d'une personne comme c'est le cas pour Alice.
C'est ainsi que, depuis le mois d'août 2018, Alice subit jusqu'à 3 inspections par semaine : audit des stocks, inspection des registres, mesures des surfaces, interviews des enfants et du personnel par les membres du Child Welfare Committee de Pondichéry. Et le problème du renouvellement de la certification du centre repose entièrement sur ses épaules.
Alice est forte et, nul doute qu'elle saura faire face mais, ainsi qu'elle nous l'a confié, cette situation l'oblige à être sur le terrain d'une administration tatillonne au détriment d'une présence au côté de ceux qu'elle considère tous comme ses enfants et qui ont besoin d'elle.
Françoise Simonot-Lion (photos : Françoise Simonot-Lion et Matthieu de Lamarzelle)
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