Arrivés à Pondichéry la veille, encore tout frémissants de
la chaleur qui nous sort de notre hiver français, nous prenons le chemin de Mahatma
Gandhi Road pour rendre visite à Alice et Maran. Dans nos poches, près de 2800
€ pour les aider à remettre en état la maison des garçons après les inondations
qui ont frappé le nord du Tamil Nadu et en particulier tout le territoire de
Pondichéry à la fin décembre.
En cette fin d’année 2015, des pluies torrentielles s’abattent
sur la région. La ville de Chennai est cernée par les eaux. De nombreux
villages sont sinistrés, l’eau traverse les toits, détruit les murs, pénètre
dans les maisons. Pour sauver les villages en amont de la rivière Gingee, les
autorités ouvrent les barrages en amont de Nonankuppam provoquant la montée des
eaux jusqu’à l’embouchure de la rivière qui borde l’orphelinat. À ce déluge
tombant du ciel s’ajoute en une nuit la crue de la rivière qui rapidement
envahit la cour de la maison des garçons. Alice et Maran, appelés d’urgence
pendant la nuit, arrivent sur place immédiatement et trouvent un quartier
submergé par l’eau. Ils gagnent à pied la maison des garçons, dans un fleuve de
boue qui leur arrive à la taille. Impuissants devant cette eau boueuse qui
continue à monter, ils voient l’eau arriver 3 marches avant le réfectoire, puis
entrer dans la cuisine juste avant que le niveau ne commence à baisser. Alice
et Maran restent jusqu’au matin en attendant que la situation se stabilise. C’est
alors l’heure des premiers constats qui ne laissent guère de place au
découragement. Immédiatement, il faut mettre sur pied un plan d’action
d'urgence afin de sauver ce qui pouvait l’être et surtout préserver les enfants.
Les toilettes ont été épargnées de justesse, les dortoirs, la salle à manger et
l’atelier n’ont pas été touchés. Par contre, le préau a été submergé et tout ce
qu’il contenait est devenu inutilisable (fournitures scolaires, livres,
meubles, etc.) Les instruments à percussion utilisés dans la musique carnatique
ont été gravement endommagés par l’humidité et doivent être remplacés. En se
retirant, l’eau a laissé derrière elle dans la cour une mare de boue qu’il faut
évacuer. Pendant 15 jours, il n’y a pas eu d’eau potable dans la maison, ce qui
signifie pas de possibilité de faire la cuisine ni de se laver. Alice fait alors
appel à d’autres associations pour les repas et la livraison d’eau potable. Les
enfants ne peuvent pas aller à l’école durant ces deux semaines et Alice, en
plus de la logistique à mettre en place, des enfants à soigner (5 cas de
dengue), a le souci d’occuper les garçons pour leur maintenir une vie aussi
normale et aussi structurée que possible (jeux, musique, etc.).
Lors de notre visite en février, la vie avait repris son
cours normal et les enfants avaient réintégré l’école. Comme toujours Alice et
Maran ont fait face avec efficacité et courage à la situation ; ils en
tirent des leçons et étudient actuellement comment protéger la maison de tels
problèmes qui, hélas, ne sont pas rares dans cette partie du monde ; ils
prévoient notamment de reconstruire rapidement le mur qui sépare le terrain sur
lequel se trouve la maison des garçons de la berge de la rivière en creusant,
cette fois, des fondations profondes ; la réfection prochaine de la chaussée
est programmée par la municipalité et sera complétée au niveau de la maison des
garçons par une surélévation de la voirie formant une sorte de dos d'âne au
niveau du portail d'entrée, ceci afin de freiner les écoulements lors d'une
prochaine crue,
Les inondations en Inde ne sont pas rares. Le changement
climatique frappe aussi ce pays : sécheresse catastrophique dans le sud
l’Inde, cours d’eau à sec, paysans endettés, moussons irrégulières, et
ponctuellement cyclones (souvenons-nous de Thane qui a soufflé sur Pondichéry
en 2011 en faisant d’importants dégâts) et pluies torrentielles et meurtrières
comme en fin 2015. Une urbanisation mal ou non contrôlée, des réseaux
d’assainissement sous dimensionnés, des constructions trop proches des rivières, tout ceci contribue aussi à la
fragilité d’un écosystème déjà soumis à des conditions climatiques chaotiques.
Françoise Simonot-Lion, Matthieu de Lamarzelle