Centre d'accueil pour enfants orphelins

Dans la région de Pondichéry (district de Pondichéry et état du Tamil Nadu) un centre d'accueil pour enfants abandonnés a été créé en 1991 par une jeune indienne. Une première maison a été établie pour héberger des garçons dans les faubourgs de Pondichéry. En 2009, une deuxième maison a vu le jour pour accueillir des filles dans un village sis au milieu d’une campagne verdoyante. En 2018, un foyer pour enfants gitans, APRES HOME, est intégré au centre.
L’association française Les Orphelins de Pondichéry soutient ce centre depuis 2005.

vendredi 20 novembre 2015

Leçon de danse dans la maison des filles

Samedi après-midi. Les filles se sont parées de leurs beaux vêtements. Dans le patio de la typique maison tamoul qui les héberge à Palayam, c’est l’heure de la danse. Aujourd’hui, elles vont étudier la danse du Sud de l’Inde, le Bhârata Natyam, pratiqué principalement dans le Tamil Nadu. Cette danse, initialement un art sacré, date de 2000 ans qui s’exerçait dans les temples et les cours royales. Les bas-reliefs des merveilleux temples de Chidambaram ou Tanjavur, notamment, témoignent de cet art ancien. Le Bhârata Natyam a été banni par les anglais au 19ème siècle, car jugé indécent, et a alors disparu des temples, excepté sur le Territoire de Pondichéry, pour réapparaitre sous forme d’un art de scène au 20ème siècle. Il s’agit d’une danse très codifiée : position du corps, de la tête, des bras, des jambes, jeu du regard, position des mains (Mudras). 


Comme toutes les filles du Sud de l’Inde, les petites pensionnaires de Vudhavi Karangal apprennent toutes les règles du Bhârata Natyam et c’est un bonheur de les voir danser, concentrées sur l’exercice mais aussi épanouies et habitées par cette danse.



Françoise Simonot-Lion – Agnès Volpi
Crédits photographiques Mathieu de Lamarzelle, Françoise Simonot
Les représentations des mudras sont extraites du site « Dancing in the World » (https://giusitalory.wordpress.com)

Vudhavi Karangal - été 2015

Les murs aux couleurs tendres de la vaste pièce sont illuminés par le soleil rayonnant de cette journée de la fin août 2015. Un ventilateur tente timidement de lutter contre la chaude moiteur de l’été pondichérien. Cliquetis des machines, babillement des filles, froissement des tissus. Le projet pour lequel nos amis lorrains, doubiens et savoyards se sont mobilisés depuis 3 ans est là sous nos yeux. 

Nous sommes à Palayam, dans la maison des filles, et l’atelier de couture est terminé et opérationnel. Il sera ouvert prochainement aux femmes du village dès que le fonctionnement des différentes machines sera complétement maitrisé. En attendant, l’atelier fait la joie des filles, les grandes seulement, qui, à tour de rôle, peuvent s’entrainer aux plaisirs des ciseaux, aiguilles et autres pédaliers. C’est samedi et, comme tous les week-ends, des filles ont investi l’atelier. Celles qui sont présentes aujourd’hui saisissent leur chance avec énergie et application. Comme d’habitude, le chien, fidèle gardien des lieux, passe pour une petite inspection avant d’aller, sur un ordre de Maran, tranquillement dormir dans un coin de la pièce.
Demain matin, comme tous les dimanche, un professeur viendra donner un cours de couture.
Au fond de la pièce, c’est le coin des débutantes. Leurs pieds oscillent sur le

pédalier dans une cadence encore un peu hésitante, leurs mains guident maladroitement le tissu sur le plateau de la machine. Pour elles, pas de fil, pas d’aiguille … Un peu frustrant ? Non, regardez leurs sourires éclatants. Elles sont heureuses et fières.
Elles sont devant une vraie machine à coudre et, après quelques heures, leurs petits pieds vont prendre le rythme, leurs mains se feront plus sûres et elles auront droit à s’exercer sur une machine complète : points en avant sur une pièce de tissu, points en arrière, une couture, surfiler, broder, …







Bientôt elles pourront enfin faire partie du cercle des grandes qui occupent aujourd’hui l’entrée de la pièce et qui, penchées sur leurs machines sont déjà capables de coudre les jupes et chemises des uniformes scolaires. L’atelier héberge également un tailleur qui bénéficie des équipements installés (table de coupe, machines à coudre, fer à repasser, etc.)
Puis, c’est Kalpana, virtuose des machines à coudre électriques, qui nous fait avec brio une démonstration de surfilage. Chemises et jupes sont presque terminées. Ne manquent que les boutons. Quelques coups d’aiguilles donnés minutieusement par deux petites assises sur une natte au milieu de la pièce et c’est fini.



L’atelier de couture rêvé par Alice est une superbe réalisation. Il est bien pensé, organisé avec soin. Outre l’apprentissage technique de la couture et de la manipulation de machines, il conduit encore plus les enfants vers l’autonomie et l’indépendance.
Nous quittons les enfants pour retourner dans la chaleur moite du jardin de la maison des filles non sans avoir admiré Maran qui fait son apprentissage de tailleur. Bientôt une corde de plus à son arc.



Françoise Simonot-Lion - Agnès Volpi
(Crédits photographiques Mathieu de Lamarzelle)

lundi 30 mars 2015

En mars 2015, chez les enfants d’Alice


 Rendez-vous avec Alice rue Mahatma Gandhi dans son accueillante maison. Il fait déjà chaud en ce milieu d'après-midi du mois de mars. La porte est, comme toujours, grande ouverte. Nous entrons. Des jeunes garçons sont assis par terre, quelque peu entassés. Ceux-ci font partie des enfants scolarisés à Pondichéry. Ils attendent la voiture qui les emmènera un peu plus tard à Nonankuppam. Bien entendu, notre arrivée provoque un feu d'artifices de hello, goodbye et autres Vannakham.  Chuchotements  à l'oreille du voisin, rires étouffés, regards en coin, ...
Disons que les devoirs qu'ils sont sensés faire sont légèrement mis de coté devant cette distraction inespérée. L'excitation s'accroit encore quand un tout jeune chiot très au fait des coutumes de la maison d'Alice et Maran franchit avec détermination la porte. Alice tente de ramener le calme dans la pièce. Les enfants se remettent à leurs devoirs et le chiot se retrouve sur le trottoir en compagnie d'un bol de lait.


Nous partons à Palayam avec Alice et Maran. Les rues animées et la circulation chaotique de Pondichéry font rapidement place à la traversée d'un paysage paisible où les rizières attrapent si joliment les éclats du soleil.  Nous arrivons à la maison de filles. Nous traversons le patio et dans la cour, nous attend un spectacle charmant,  serein et si féminin.


Leurs cheveux fraîchement lavés, des  gamines sont absorbées par leur coiffure. Démêler, démêler encore, peigner jusqu'à ce que la chevelure soit comme un rideau noir, lisse, brillant. Tresser, tresser bien serré. Tresse simple qui oscillera lourdement à chaque mouvement de la petite. Tresse sophistiquée qui partant du haut  de la tête, emprisonne au fur et à mesure toute la masse de la sombre chevelure. 
Deux tresses qui encadreront joliment le visage. Et toujours très serré. Pas un cheveu ne doit s'échapper. Pas une mèche importune. L'une y travaille seule avec dextérité. D'autres s'entraident. Et c'est une scène pleine de rires, de mouvements gracieux, d'éclats de lumière dans les noires chevelures, d'amitié, de fraternité ... ne sont-elles pas toutes sœurs dans cette maison ?
 
Soudain la cour s'anime. Une volée de petites filles en uniforme, couettes tenues par de frais rubans bleu,  viennent  d'arriver de leur école privée.   Elles entourent aussitôt Alice pour raconter, raconter encore, chacune ayant des questions, des arguments à faire entendre, des aventures à relater, des rêves à partager. Alice écoute, interroge, commente, conseille, décide, ...
Et ce charmant essaim de papillons bleus s'envole vers les étages.
Le calme retombe sur la cour.
Les plus jeunes nous font du charme. Petites frimousses rebondies, regards rêveurs, yeux pétillants, sourires frais.










Cette fois, nous ne verrons pas les grandes car elles rentrent beaucoup plus tard. Nous faisons un rapide point avec Alice. Il y a actuellement 65 filles à Palayam. Le fonctionnement de l'établissement est lourd. L’atelier de couture est opérationnel et un étage supplémentaire qui reste à terminer doit héberger une classe de maquillage/massage. Il faut équiper les dortoirs, les salles d’études, les sanitaires pour un nombre toujours plus élevé de filles, trouver des moyens pour garantir les frais récurrents incompressibles : électricité, eau, bois pour la cuisine, etc. Nourrir une fille pendant un mois revient à environ 40 Euros. À ceci s'ajoute les vêtements, dans certains cas les uniformes, les produits d'hygiène, et les frais de scolarité pour la majorité des filles qu'Alice préfère mettre dans des écoles privées pour des raisons de qualité d'enseignement. Peu d'aides sont octroyées par le territoire de Pondichéry ou par l'état indien et ces aides sont réservées à certaines situations. Par exemple, l'été dernier, les enfants de gitans n'y étaient pas éligibles. Mais une fois que les enfants sont sous la responsabilité d'Alice, ils ont tous la même chance. Il faut donc jongler avec un budget serré et dans un souci constant d'équité. L'objectif d'Alice est de rendre les enfants autonomes, heureux et fiers en Inde et, pour elle, fort justement, cela passe par l'éducation.  Nous ne pouvons que souscrire à ce rêve ambitieux. En ce qui concerne les filles, le rêve d'Alice commence cette année à devenir réalité. Par une lettre reçue fin mai, elle nous annonce que Ponnarasi, la première fille à poursuivre ses études a réussi sa première année d'infirmière.Kalpana et Aruna ont réussi leur examen final de pré université et, début juin, elles entrent à l'université pour préparer une licence de commerce tandis que quatre filles vont, elles, entrer en pré université (2 600 Euros ont été envoyés à l'orphelinat pour financer la rentrée 2015-2016). Les sillons se tracent opiniâtrement, à petits pas et le regard que ces enfants ont sur leur futur change tout  doucement. Ils commencent à entrevoir que leur avenir leur appartient et que ce sont eux qui en ont la clé.Quelques embrassades, quelques mains serrées, les derniers sourires. Le portail se ferme, nous montons en voiture. Direction, la maison des garçons à Nonankuppam. Là encore, accueil tonitruant des petits qui délaissent leurs devoirs au grand désespoir de leurs surveillants. Nous tentons de nous faire discrets et partons visiter l'atelier qui grâce aux différents sponsors français commence à se remplir sérieusement d'équipements. On peut maintenant y travailler le bois et le métal, y relier des livres, etc. Cet atelier est un vrai succès et les garçons y travaillent pendant le week-end en découvrant le plaisir et la fierté de construire ou réparer eux-mêmes tables, étagères, etc. Nous montons au-dessus de l'atelier où va prendre place un salon de musique car, ici, comme à Palayam, la musique tient  une place  importante.   Musique classique carnatique mais aussi musique moderne. Après le succès de la fanfare créée à Nonankuppam, Alice souhaite mener la même expérience chez les filles. Des filles maitrisant de tonitruantes trompettes, cors et autres hélicons sera un spectacle qui ne manquera certainement pas d’en étonner plus d’un ; moins néanmoins que le dernier projet musical d’Alice qui souhaite monter un orchestre de cornemuses dans chacune des maisons.










 

Françoise Simonot-Lion - mars 2015

Crédits photographiques Mathieu de Lamarzelle, Françoise Simonot