Un message impétueux arrive sur notre smartphone jeudi à l'aube. C'est notre ami Aroul dynamique commerçant du marché Goubert de Pondichéry qui nous envoie ses voeux pour Pongal, la fête des moissons au pays tamoul.
Du plus loin que l'homme a cultivé la terre, la fin des récoltes a toujours été marquée par des cérémonies. Leur rôle était de rendre grâce pour l'abondance des récoltes mais aussi conjurer les dégâts qui pourraient atteindre les réserves ou toucher les prochaines cultures. Ces fêtes correspondent au moment où le travail de la terre est plus calme et où les greniers sont pleins. Ces actions de grâce se sont incarnées dans les différentes religions.
Il en est ainsi de Mehregan pour les zoroastriens d'Iran qui fêtent alors les moissons au début du mois d'octobre, des Volcania que fêtait la Rome antique en automne pour conjurer les incendies qui auraient pu dévaster les récoltes, de la fête de la mi-automne, qui est une célébration des récoltes, pratiquée depuis le 8ème siècle en Chine. Plus près de nous, on peut citer les Rogations, fêtes chrétiennes célébrées en août et pendant lesquelles les récoltes étaient bénies ou encore Thanskgiving, fête laïque aux États-Unis qui commémore la première récolte des passagers du Mayflower.
En Inde, la fin des moissons est célébrée sous diverses formes dans le sous-continent. Ainsi Lohri est un festival populaire dans le nord du pays, Penjab, Haryana, etc. Et ni la pandémie, ni la révolte des paysans qui bloque la capitale indienne depuis plusieurs mois n'ont empêché les festivités. Vous pouvez constater que "L'ambiance de Lohri est vivante à la Singhu border (un des points d'accès à Delhi bloqué par les manifestants)" ainsi que le titre le Times of India du 13 janvier. Ils ont promis d'alimenter les feux de joie traditionnels allumés à l'occasion de Lohri avec les textes de la loi contestée par les paysans
En Inde du Sud et particulièrement par les communautés tamoule et telugu, on célèbre la fin des moissons lors de Pongal ou Thai Pongal. Comme partout, la fête a une résonance religieuse et est intégrée dans les rituels de l'hindouisme. Le premier jour, Bhogi Pongal, on brule tout ce qui ne sert plus (vêtements, objets, etc.), on se pare de vêtement neuf marquant ainsi le début d'un nouveau cycle. Les maisons sont nettoyées de fond en comble et décorées. À la campagne on embellit les cornes des boeufs et des buffles.
C'est l'occasion pour les filles de l'orphelinat de sortir les saris chatoyants pour les grandes et les robes colorées pour les petites.
Au deuxième jour, Surya Pongal, l'entrée de la maison est décorée avec des feuilles de bananiers et de manguiers et de magnifiques dessins géométriques, les kolams, faits avec de la farine de riz colorée embellissent les sols.
Lors de ce deuxième jour on se réunit avec la famille et les amis et on partage le plat de Pongal, On cuisine à l'air libre et sous le soleil. On commence par chauffer du lait dans un pot, dès qu'il commence à bouillir, on lui ajoute des grains de riz fraîchement cueillis et du sucre de canne. Lorsque le mélange déborde du pot, l'un des participants souffle dans une conque tandis que tous les autres crient "Pongalo Pongal!". Dans la maison des filles, c'est dans le patio illuminé par le soleil que la cérémonie a eu lieu alors que les garçons ont profité de l'espace de la cour d'entrée pour préparer le Pongal.
À APRES, chez les petits gitans, on prépare aussi le plat traditionnel.
Le troisième jour de fête est Mattu Pongal. C'est la célébration des vaches, boeufs et buffles qui tirent chars et charrues et fournissent le lait, le combustible et l'engrais.
Kanum Pongal est le dernier jour des festivités. C'est l'occasion d'aller visiter la famille.
Pendant le festival les rues sont illuminées dès la nuit tombée ainsi que vous pouvez le voir ici sur une vidéo prise à Pondichéry dans les rues commerçantes.
Bien sûr, dans les temples résonnent prières, bajans et chants dévotionnels (à écouter ici)
Malgré la pandémie, le gouvernement du Tamil Nadu a prévu en 2021 un important accroissement des déplacements au sein de l'état et a déployé plus de 30 000 bus, soit 60% de plus que d'ordinaire, pour acheminer les tamouls profitant de ces 4 jours de fêtes pour visiter leur famille ou simplement faire du tourisme.
Cette année a été très difficile pour les habitants du Tamil Nadu. L'état a été l'un des plus touché par le virus de la Covid-19, le chômage a grimpé en flêche et en novembre l'est du pays a subi l'ouragan Nivar qui a détruit de nombreuses maisons et inondé les champs. Aussi, le Ministre en Chef de l'état a décidé d'octroyer une somme de 2500 roupies (environ 32 €) ainsi qu'un colis alimentaire (1kg de riz, 1 kg de sucre, de la canne à sucre, des noix de cajou, des raisins et de la cardamone) aux 20 millions de tamouls habilités à bénéficier de tickets de rationnement pour le riz.
À lire sur le site de The Hindu du 5 janvier 2021 |
Mais le festival de Pongal ne se cantonne pas à l'Inde du Sud et à Sri-Lanka. Il reste vivant dans tous les pays où la diaspora tamoule s'est installée. La communauté tamoule est importante en France, pour une part des indiens originaires des anciens comptoirs français en Inde et pour l'autre de réfugiés sri-lankais. On les trouve installés depuis très longtemps à l'île de la Réunion où ils sont venus travailler dans les plantations. En France continentale, ils habitent principalement dans les grandes villes (Paris, Lyon, Strasbourg) et perpétuent la culture et les traditions de leur pays d'origine. Cette année, ils fêteront Pongal mais, pandémie oblige, ce sera à distance via la plateforme Zoom. Si le coeur vous en dit ....
Françoise Simonot-Lion (Photos des enfants : Alice Thomas)